Ensemble Montréal veut changer la donne pour les travailleurs vivant dans la précarité
Montréal, le 12 décembre 2018 – Le phénomène des travailleurs pauvres n’est pas nouveau à Montréal, mais le sujet est peu connu. Comme en témoignent les chiffres de Centraide, 40 % des gens vivant dans la précarité travaillent. Plus de 125 000 travailleurs montréalais survivent au lieu de vivre. Depuis une quinzaine d’années, leur nombre augmente sans arrêt. En fait, le nombre de travailleurs pauvres a crû de 30 % depuis 15 ans.
La Ville dispose d’une enveloppe de 50 M$ sur cinq ans octroyée par le gouvernement du Québec dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Ensemble Montréal souhaite que la répartition de cette somme soit réévaluée afin de donner aux travailleurs vivant dans la précarité la chance de s’en sortir dignement et rapidement.
« Une des bonnes façons d’allouer de l’argent aux ressources appropriées est de faire appel à un indicateur de pauvreté. La Ville veut utiliser le nouvel indice Mesure du Panier de Consommation (MPC), mais nous pensons qu’il faut aller encore plus loin et adopter un nouvel indicateur proposé par l’Institut de recherche et d’information socio-économiques (IRIS), l’Indice de Revenu Viable (IRV). Le but est d’aider les gens à s’en sortir, pas juste à se maintenir », a affirmé M. Benoît Langevin, porte-parole d’Ensemble Montréal sur les questions de jeunesse et d’itinérance.
Dans une motion qui sera débattue lors du conseil municipal de décembre, Ensemble Montréal préconise donc d’utiliser l’IRV afin de dresser le portrait des besoins nécessaires à la réduction de la pauvreté dans chaque arrondissement montréalais. Ce portrait servirait ensuite à réévaluer la façon dont les 50 M$ sont répartis.
« L’indice MPC ne tient compte que des besoins de base comme la nourriture, le logement, les vêtements, etc. Il se base sur un strict minimum pour qu’une personne puisse survivre. Par contre, l’IRV prend en considération d’autres facteurs, comme par exemple le fait de pouvoir parer à un imprévu pour un chef de famille monoparentale ou un aidant naturel », a précisé M. Langevin.
Statistiquement, les mères seules et les immigrants sont les plus touchés par la problématique de précarité malgré l’emploi : 38 % des chefs de familles monoparentales de moins de 30 ans, en majorité des femmes, sont des travailleurs pauvres, et 27 % sont des immigrants récents.
Au-delà de certains efforts de l’administration, Ensemble Montréal déplore le manque d’écoute et de mesures proactives à l’égard des travailleurs pauvres qui méritent qu’on les aide et qu’on leur donne une voix.
« Qui se préoccupe de l’employée monoparentale qui travaille à temps plein, mais ne dispose pas des sommes nécessaires pour payer une gardienne et lui permettre d’aller suivre des cours de perfectionnement? Du journalier qui dispose du strict minimum et ne peut pas s’acheter des vêtements de bureau et s’offrir une coupe de cheveux pour aller en entrevue pour un meilleur emploi? De l’employée qui n’a pas les moyens de prendre congé pendant quatre ou cinq heures pour aller consulter l’aide juridique? Nous devons les aider et notre motion est essentielle pour favoriser leur sortie de la précarité », a conclu M. Langevin.
Motion en faveur d’un plan d’action pour la sortie de la pauvreté s’appuyant sur la notion de «revenu viable»
Attendu que le gouvernement du Québec a octroyé en mars 2018 à la Ville de Montréal la somme de 50$ millions sur 5 ans dans le cadre d’une 7e entente administrative de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale laquelle finance le Conseil des politiques alimentaires de Montréal et le Plan d’action sur l’itinérance à Montréal 2018-2020;
Attendu que la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale a été adoptée à l’unanimité le 12 décembre 2002 par l’Assemblée nationale du Québec. Cette loi institue une Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté́ et l’exclusion sociale ayant comme objectif de « guider le gouvernement et l’ensemble de la société québécoise vers la planification et la réalisation d’actions pour combattre la pauvreté, en prévenir les causes, en atténuer les effets sur les individus et les familles, contrer l’exclusion sociale et tendre vers un Québec sans pauvreté »;
Attendu que le gouvernement du Québec a adopté en 2018 un Troisième plan d’action gouvernemental de lutte à la pauvreté qui a pour objectif de réduire de 100 000 le nombre de personnes vivant dans la pauvreté au Québec d’ici 2023;
Attendu que malgré les sommes investies, la pauvreté fluctue, mais ne recule pas selon les données de Statistique Canada;
Attendu que selon l’Institut du Québec, Montréal est en queue de peloton quant au revenu disponible par habitant, indiquant des taux de pauvreté élevés;
Attendu que les deux tiers des travailleurs pauvres sont établis à Montréal selon Centraide et l’Institut de recherche scientifique du Québec. Les quartiers Parc-Extension (30,7 %), Peter-McGill (19,7 %), Côte-des-Neiges (18,9 %), Petite-Bourgogne (18,5 %), Pointe-Saint-Charles (18,2 %), Saint-Michel (17,6 %) et Saint-Henri (17,5 %) sont particulièrement touchés;
Attendu que 40 % des gens pauvres sont à l’emploi, dont 70 % d’entre eux sont à l’emploi à temps plein, selon le rapport Travailler et être pauvre (2016) de Centraide et de l’Institut de recherche scientifique du Québec;
Attendu que plusieurs tendances récentes sur le marché de l’emploi, telles que la multiplication des emplois à temps partiel, la croissance du travail autonome, les exigences de flexibilité toujours plus élevées et l’automatisation de certaines catégories d’emplois, tendent à accroître la précarisation des travailleurs;
Attendu que l’indice de mesure de la pauvreté privilégié par le gouvernement du Québec est l’indice MPC (indice de mesure du panier de consommation) et que la Ville de Montréal révise actuellement ses procédures pour l’utiliser également ;
Attendu que le MPC ne mesure que le coût d’un panier de biens et services équivalant à un niveau de vie de base soit : la nourriture, l’habillement, le transport, le logement et autres dépenses pour une famille de deux adultes âgés entre 25 et 49 ans et deux enfants âgés de 9 à 13 ans;
Attendu que le MPC ne prend pas en considération les ménages composés différemment (ménage monoparental, présence d’un aidant naturel), les services disponibles et les besoins spécifiques à chaque endroit (les besoins de transport des arrondissements périphériques vs centraux, par exemple);
Attendu que le MPC ne permet pas d’évaluer les revenus nécessaires pour qu’un individu puisse sortir de la pauvreté durablement;
Attendu que l’Institut de recherche et d’information socio-économiques (IRIS) a développé un indicateur de sortie de la pauvreté nommée « revenu viable ». L’indicateur ne mesure pas que le revenu minimal pour survivre, mais mesure si une personne dispose « des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie économique ou pour favoriser son intégration et sa participation à la société et si elle jouit d’un niveau de vie suffisant ainsi que de la possibilité d’exercer les droits qui lui sont reconnus »;
Attendu que l’utilisation de cet indicateur permettrait de mieux comprendre les besoins de nos quartiers;
Attendu que des organismes œuvrant dans le secteur de la lutte à la pauvreté comme le Collectif sans pauvreté appuient l’utilisation de cet indicateur;
Il est proposé par Benoit Langevin, conseiller de la Ville pour le district de Bois-de-Liesse;
et appuyé par Christine Black, mairesse de l’arrondissement de Montréal-Nord;
Que la Ville de Montréal dresse le portait des besoins nécessaires à la réduction de la pauvreté dans chaque arrondissement montréalais en utilisant le revenu viable, l’indicateur de sortie de la pauvreté;
Que la Ville de Montréal utilise ce nouveau portrait, établi en fonction du revenu viable, pour réévaluer la façon dont sont répartis les montants de l’enveloppe de 50 millions sur cinq ans octroyés par Québec dans le cadre de l’Entente pour la lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale;
Que la Ville de Montréal transmette ce nouveau portrait au ministère du Travail et des Services sociaux.